Lettre de rentrée
Chères collègues, Chers collègues,
Nous espérons que votre rentrée s’est déroulée dans les meilleures conditions et nous vous remercions vivement pour le professionnalisme avec lequel vous avez, une fois de plus, assuré une continuité éducative et pédagogique de qualité auprès de vos élèves malgré le contexte sanitaire encore dégradé de l’année scolaire 2021-2022.
Nous ne doutons pas que les nouveaux arrivants dans l’académie auxquels nous adressons tous nos voeux de bienvenue ont reçu un accueil chaleureux de la part des collègues et nous savons pouvoir compter sur vous pour avoir déjà su éveiller chez vos élèves l’envie d’apprendre et le désir de savoir en faisant de vos classes des creusets de réflexion et d’échanges.
Face à une actualité ponctuée par de nombreuses crises et alertes, face à la complexité d’un monde confronté à sa finitude et sommé d’être plus sobre, d’entrer en transition et en résilience, face enfin à une espérance, ce présent dans l’avenir selon la belle formule des Confessions de Saint-Augustin, de plus en plus pressée par l’angoisse de l’urgence, l’enseignement de l’histoire-géographie et de l’EMC propose aux élèves des savoirs robustes, patiemment construits et scientifiquement fondés, une méthode qui développe leur esprit critique, une manière de penser et d’être ensemble au monde, et enfin un espace ouvert et régulé, une arène du raisonnable, la classe, dans laquelle il est donné aux élèves l’opportunité d’apprendre collectivement à s’exprimer, à débattre et à s’engager.
Pourquoi enseigner l’histoire, se demandait Patrick Boucheron lors de sa leçon inaugurale au collège de France, « si ce n’est pour convaincre les plus jeunes qu’ils n’arrivent jamais trop tard ».
Pourquoi enseigner la géographie, si ce n’est pour convaincre les élèves de prendre la mesure du monde et d’y prendre leur place.
Pourquoi enseigner l’EMC enfin, si ce n’est pour convaincre les élèves que leur scolarité est une propédeutique à une citoyenneté éclairée et pour leur donner les moyens et l’envie d’expérimenter un engagement au service de la société.
L’actualité de notre discipline est également liée à celle de notre institution présentée dans la Circulaire de rentrée 2022 , parue au bulletin officiel n° 26 du 30 juin 2022 et consultable en ligne. Cette dernière se donne pour objectif majeur de promouvoir une École engagée pour l'égalité et la mixité. Cet engagement est une réponse à la récurrence de certains résultats de la France aux différentes évaluations internationales mesurant l’efficacité des systèmes éducatifs. "Si les résultats scolaires des jeunes français se situent dans la moyenne de l’OCDE (PISA), cette moyenne cache néanmoins des écarts plus forts qu’ailleurs : d’un côté, une élite excelle, et de l’autre des élèves cumulent les difficultés, avec un fort déterminisme social. En outre, les élèves français figurent parmi ceux qui ont le moins confiance en leurs propres capacités, sont les plus anxieux et présentent une forte défiance dans le système scolaire en général : moins de la moitié d’entre eux déclarent « se sentir chez eux à l’école », le plus mauvais résultat de l’OCDE."
Ces constats extraits du Colloque scientifique "Quels professeurs au XXIème siècle" qui s’est tenu en décembre 2020 méritent d’être contextualisés et déclinés à l’échelle des académies et de chaque discipline. Ainsi à la Réunion, comme le rappelle le Projet Stratégique académique 2021-2025, la réduction des inégalités sociales et scolaires a progressé. Aujourd’hui 80 % des jeunes de 16 à 19 ans sont scolarisés alors qu’ils étaient 62 % en 1995 et 37 % en 1984. Les lycéens d’origine sociale défavorisée représentent en 2019 plus de 41 % des bacheliers généraux de l’académie, au lieu de 25 % en 1997.
L'état de l'enseignement de l'histoire-géographie et de l'EMC
En histoire-géographie, les enquêtes CEDRE (cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon) menées en 2006, 2012 et 2017 - la prochaine aura lieu en 2023 - rendent compte de l’évolution des compétences des élèves dans nos disciplines, des écarts de performance entre filles et garçons qui se réduisent mais persistent, et de la permanence d’un déterminisme social. Pour éviter que ce dernier ne devienne une forme de fatalité scolaire, nous reprenons à notre compte et partageons avec vous cet extrait de l’une des conclusions de ces enquêtes : « il n’y a pas d’arbitrage entre efficacité et équité » (Marie Duru-Bellat, Sociologie de l’éducation, PUF, rééd. 2017). Autrement dit, ce sont les mêmes structures pédagogiques qui endiguent - ou qui, mieux, réduisent - ces inégalités sociales de performance tout en amenant davantage d’élèves vers un plus haut niveau de compétence ». Vous retrouverez l’essentiel des résultats de ces enquêtes et de leurs analyses à partir des liens suivants :
Malgré les progrès évoqués à la Réunion, les corrélations entre l’indice de positionnement social des élèves (IPS), leur genre et leurs résultats scolaires demeurent marquées comme le démontrent les moyennes au DNB général de la session de 2021 :
- 487 points sur 800 dans les collèges en REP+ et 532/800 pour les collèges hors éducation prioritaire,
- 542 points sur 800 pour les filles et de 501 sur 800 pour les garçons,
- 9,75/20 en HG-EMC en REP+ et de 11/20 hors éducation prioritaire,
- 11,16/20 en HG-EMC pour les filles et de 10,26 pour les garçons.
Les résultats des enquêtes internationales précédemment citées et les écarts de performance relevés entre les élèves, selon leur origine sociale et leur genre, se retrouvent dans toutes les disciplines, interpellent et engagent tous les acteurs de l’école mais elles entrent peut-être encore plus en résonance avec les contenus, la méthode critique et les finalités de nos enseignements. Si l’histoire, comme la définissait Hannah Arendt, c’est « l’art de se souvenir de ce que les femmes et les hommes sont capables de faire en société », alors enseigner l’histoire c’est inscrire les élèves dans le récit d’une humanité qui invite à agir.
Enseigner aux élèves que le passé n’est jamais une succession de fatalités, que le territoire s’inscrit toujours dans une géographie du pouvoir, enseigner une histoire et une géographie mixtes et globales qui rendent la parole à tous les acteurs, varient les échelles et les points de vue, clarifient les valeurs et les principes de la République, savent les faire partager et expérimenter, apprendre enfin aux élèves qu’ils ne sont assignés ni à une identité, ni à une mémoire ni à un destin ni à un quartier, c’est répondre aux ambitions d’une école engagée pour l’égalité et la mixité, c’est lutter contre les assignations sociales et territoriales, et c’est enfin et surtout le quotidien des professeurs d’histoire-géographie dans leurs classes et leurs établissements. Ce quotidien du cours d’histoire-géographie et d’EMC dans lequel se construit et se partage avec les élèves un régime de vérité fondé sur une méthode critique. Ce cours dans lequel on déconstruit certaines informations et on reconstruit des connaissances. Ce cours où l’on ose aborder des questions socialement vives et incarner les principes de la République en courant parfois le risque d’affronter les réseaux sociaux et leur culture de la meute. Ce cours enfin où un professeur et des élèves partagent la même joie de penser, lisent ensemble le monde et écrivent celui à venir. Pour tous ces cours, nous vous sommes très reconnaissants.
L'équipe autour de l'inspection d'histoire-géographie
Pour vous accompagner dans vos missions cette l’année, l’inspection d’histoire-géographie continuera de s’appuyer sur le précieux concours de mesdames Sophie Lebourg et Elodie Sénécal-Fasquel, chargées de mission d’inspection, que nous remercions chaleureusement pour leur investissement sans faille auprès des collègues et de la discipline, mais également de madame Mylène Courtial et de messieurs Nicolas Etheves et Thomas Salacroup auxquels ont été confiés des missions plus ciblées de visite-conseil et de formation. Madame Virginie Carton continuera d’assurer la préparation au CAPES interne avec, nous n’en doutons pas, toujours autant de succès au concours. Monsieur Matthieu Clément et madame Marie Vannier poursuivront leurs missions respectives de IAN et de webmestre avec le sérieux et l’enthousiasme qui les caractérisent.
La feuille de route de l'inspection
La feuille de route de l’inspection pour cette année scolaire s’inscrira dans la continuité et la consoli- dation des axes de travail engagés en 2021-2022.
Poursuivre la mise en œuvre de la réforme du lycée avec une focale particulière sur l’évaluation en contrôle continu, les compétences et le travail de l’oral et de l’écrit en classe
Ces trois dernières années ont été marquées par la mise en œuvre de la réforme du lycée, avec pour nos disciplines de nouveaux programmes ainsi que la création d’un enseignement de spécialité, histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques. La suppression des évaluations communes au profit d’un contrôle continu reposant sur les moyennes annuelles des élèves invite à poursuivre le travail engagé sur l’évaluation (annexe 1). Elle nécessite plus que jamais une réflexion concertée au sein des équipes disciplinaires mais aussi des conseils pédagogiques afin d’assurer la plus grande équité possible. Cette dynamique collective a conduit à l’élaboration et à la formalisation d’un projet d’évaluation dans chaque établissement. En lien avec le cadrage national apporté par la DGESCO et l’inspection générale, que vous pouvez retrouver dans le Guide de l’évaluation des apprentissages et des acquis des élèves dans le cadre de la réforme du lycée général et technologique, un vade-mecum académique a été élaboré par l’inspection d’histoire-géographie et vous a été transmis. Il est en ligne sur notre site académique disciplinaire.
En lien avec l’évolution de l’évaluation du baccalauréat en contrôle continu et la préparation du grand oral, le plan académique de formation 2022-2023 s’articule autour de quelques axes :
Approfondir l’enseignement de l’histoire-géographie et de l’EMC par les compétences du col- lège au lycée
Afin de renforcer la progressivité des apprentissages et la continuité entre le collège et le lycée, le plan académique de formation 2022-2023 déploie cette année encore sur les différents bassins de l’académie une formation sur l’enseignement et l’évaluation par compétences au collège et propose d’étendre cette dynamique au lycée.
Échanger, partager, se former : développer des communautés apprenantes en histoire-géograhie-EMC
Les échanges d’expérience entre collègues, quelle que soit leur forme, communautés apprenantes, lesson studies, analyse de pratique, visites informelles... constituent de puissants stimulants. Ancrés dans le réel de la classe, ils alimentent la curiosité, enrichissent les pratiques pédagogiques tout en créant du lien. Le dispositif de formation "classe ouverte" a rencontré un vif succès. Expérimenté en DNL puis développé l’année dernière en collège, il sera donc étendu cette année aux lycées dans le prolongement des formations proposées.
Dans une même perspective, un groupe de formateurs académiques, PLC et PLP, animé par Matthieu Clément travaillera collectivement cette année à la production et à la diffusion de ressources sur les usages pédagogiques du numérique, avec une focale particulière sur la thématique des jeux sérieux.
Enfin, la roborative lettre d’information académique pluriannuelle de notre discipline, Escales, dont le septième numéro vous a été transmis dès la rentrée grâce à l’énergie communicative de ses rédactrices en chef, mesdames Sophie Lebourg et Marie Vannier, ainsi que le site disciplinaire ont vocation, eux aussi, à être des outils de communication et de mutualisation. Nous vous invitons à les enrichir en partageant vos ressources, vos séances et vos expérimentations.
Promouvoir un enseignement de l’histoire-géographie et de l’EMC contextualisé qui apprend aux élèves à penser le monde qui les entoure dans sa complexité
Les adaptations de programmes pour l’ensemble des classes du lycée ont été publiées (annexe 1), elles complètent la mise en œuvre des programmes. Au collège, comme au lycée, la contextualisation de l’enseignement constitue un efficace levier pédagogique. Les adaptations peuvent aisément s’appuyer sur l’étude des patrimoines locaux dans le cadre du parcours d’éducation artistique et culturelle. Nombre de collègues ont conduit durant l’année scolaire 2021-2022 de remarquables projets qui ont contribué à l’ouverture culturelle et à la formation citoyenne des élèves et nous les en remercions (annexe 4).
Articuler l’enseignement de l’histoire-géographie et de l’EMC avec les différents parcours éducatifs afin de pouvoir proposer à chaque élève au cours de sa scolarité au moins une opportunité d’expérimenter un engagement citoyen
Si aucun professeur ne doute du caractère obligatoire des enseignements scolaires ni de la nécessi- té de finir son programme disciplinaire, la mise en œuvre des parcours éducatifs et des « éducations à », en l’absence d’un horaire qui leur soit spécifiquement dédié dans les emplois du temps des élèves, se révèle dans la pratique très aléatoire. Cette situation conduit à une forme d’iniquité dans la formation des élèves : tous ne bénéficient pas, au cours de leur scolarité des « éducations à » qui leur sont pourtant dues.
Suite à la loi climat et résilience de 2021, un décret du 12 avril 2022 modifie le code de l’éducation et fait évoluer le CESC en Comité d’Education à la Santé, à la Citoyenneté et à l’Environnement dans chaque établissement du second degré. Cette évolution, qui doit conduire à de plus grandes convergences entre les différents parcours éducatifs et à de meilleures synergies entre les « éducations à », constitue une opportunité pour que l’éducation au développement durable intègre les enseignements et devienne, en particulier pour nos disciplines, un levier complémentaire pour engager les élèves dans une citoyenneté lucide et active. De nombreuses manifestations, projets et concours, seront organisés cette année encore autour de l’EDD ; ils convoqueront des savoirs géographiques et gagneront à être investis par des professeurs de notre discipline.
Nous adressons enfin toutes nos félicitations aux collègues qui ont obtenu une certification cette année (CAFFA, DNL) ainsi qu’aux lauréats des concours et nous remercions leurs tuteurs pour avoir accepté de les accompagner dans leur entrée dans le métier. L’accueil de nombreux étudiants cette année dans notre discipline témoigne de son attractivité mais nécessite la mobilisation de nombreux maîtres de stage : nous vous remercions par avance pour votre concours.
Dans l’attente de vous revoir et de pouvoir vous accompagner dans l’exercice de vos missions, nous vous assurons de notre profond soutien et de nos plus cordiales salutations.
L'inspection d'histoire-géographie
Corinne Deniaud
Fabrice Sorba