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Modéliser les effets d'un antibiotique sur une population bactérienne avec Édu'Modèle

 

 

 

En classe de 1re, la spécialité SVT se penche sur la thématique "Variation génétique bactérienne et résistance aux antibiotiques". Un lien explicite doit être fait entre l'évolution de cette résistance sous la contrainte exercée par les antibiotiques et le phénomène de sélection naturelle.

 

 

 

Ici, nous présentons un modèle permettant d'étudier ce lien.

 

 

 

Ce modèle peut également être utilisé dans d'autres contextes pour illustrer l'importance de la sélection naturelle et ses conséquences en termes de santé publique.

 

 

 

Quelques notions utiles

 

Les effets des antibiotiques sur une bactérie sont très variables d'une molécule à l'autre et ne sont pas étudiés dans les programmes de lycée. Mais dans tous les cas, l'effet sur la population amène a minima à un blocage de sa croissance voire à une diminution de la population. On peut donc définir un certain nombre de paramètres utiles :

 

 

 

La concentration minimale inhibitrice (CMI) est la concentration d'antibiotique suffisante pour inhiber toute croissance visible de la bactérie étudiée après 24h d'incubation dans un milieu de croissance spécifique.

 

La concentration minimale bactéricide (CMB) est la concentration d'antibiotique suffisante pour entrainer la mort d’au moins 99,99% des bactéries étudiées. Il est toujours supérieur au CMI.

 

 

 

Dans l'idéal, la dose d'antibiotique à apporter à l'organisme doit permettre une concentration supérieure au CMB. Cependant, en raison de la toxicité des molécules, ceci n'est pas toujours atteignable. On cherche alors à dépasser la Concentration de Prévention des Mutations.

 

Concentration de Prévention des Mutations (CPM) : Concentration minimale d’antibiotique qui prévient la sélection de mutants résistants de premier niveau en présence d’un fort inoculum bactérien

 

 

 

La valeur de CMI, CMB et CPM dépendent à la fois de l'antibiotique et la souche bactérienne à laquelle on est confronté.

 


Image : Pascal Combemorel CC-BY

 


La dynamique des interactions organisme/antibiotique/bactéries est complexe, mais on peut dégager deux grands types de dynamique :

 

Une action bactéricide dose-dépendante (aminosides, fluoroquinolone...) où de fortes doses permettent de soigner le patient avec des effets toxiques moindres. On privilégiera alors des doses élevées avec un nombre d'injections réduit. Cette dynamique est préférée si le CPM est fort et la toxicité à forte dose suffisamment faible ou si l'infection est très sévère.

 

Une action bactéricide temps-dépendante ((betalactamines, glycopeptides, linezolide) où on privilégiera le maintien d'une dose plus faible pour éliminer les bactéries au cours du temps en limitant les effets toxiques. On privilégiera alors des doses plus faibles avec un nombre d'injections plus important... voire une perfusion. Cette dynamique est préférée si les antibiotiques utilisés sont plus toxiques, ont une durée de vie faible et si le CPM est faible (évitant ainsi le développement de souches résistantes).

 

 

 

Dans les deux cas, la première dose est généralement plus importante. On parle de dose de charge.

 


Le modèle

 

Lien de téléchargement du modèle

 

Dans le modèle numérique, on introduit 3 agents :

 

  • Des antibiotiques (AB) dont la durée de vie est limitée pour simuler sa disparition dans l'organisme au fil du temps
  • Des bactéries sensibles (BS) capables de se répliquer et dont la probabilité de mort au contact de l'antibiotique est forte
  • Des bactéries résistantes (BR) capables de se répliquer. Pour simuler la résistance, on considère ici que la BR doit rencontrer l'antibiotique 3 fois avant de mourir. Cela est simulé par la transformation de BR en BR1 au contact d'un AB puis d'un BR1 en BR2 en cas de deuxième contact. BR2 mourra s'il y a un 3e contact.

 


 


La manipulation par les élèves

 

Lancer le modèle tel quel aboutit à une diminution rapide de la population de bactéries sensibles. Au bout de quelques temps, la population de bactéries résistantes devient dominante et les deux souches cohabitent. On voit que cette dose est inadaptée : elle provoque le développement d'une résistance (la dose est inférieure au CPM).

 

 

 

 

Les élèves peuvent dans un premier temps modifier le nombre des différents agents :

 

  • AB : modifie la dose initiale d'antibiotique
  • BS : modifie l'importance de l'infection
  • BR : modifie le taux de bactéries résistantes préexistantes

 

 

 

Pour aller plus loin, il convient de modifier les paramètres du modèle ce qui permet de mieux comprendre les différentes dynamiques des antibiotiques.

 

On constate alors que :

 

  • Une dose trop faible d'antibiotique n'a que peu d'effet (la concentration est alors inférieure à la CMI)
  • Une très forte dose élimine rapidement toutes les bactéries (des documents complémentaires peuvent alors montrer le risque de toxicité importante)
  • Une forte dose initiale (la charge) suivie d'injections régulières peut permettre d'éliminer les bactéries
  • Une forte dose initiale puis des fortes doses à intervalles réguliers peuvent avoir le même effet
  • Une perfusion entraine une élimination progressive de toutes les bactéries à une dose plus faible

 

Pour simuler l'ajout d'une dose, il faut mettre le modèle sur pause puis sélectionner l'antibiotique et "introduire cet agent". Une dose sera définie par l'introduction d'un nombre d'agents déterminé.

 

Pour simuler une perfusion, on supprime la dégradation de l'antibiotique au cours du temps. Pour cela, il faut régler la durée de vie des AB à 0 (comme l'indique le logiciel, cela indique une demi-vie infinie).

 


Quelques résultats de simulation

 

 


Dans le 2e scénario (une dose de charge + des doses complémentaires régulières), on peut également montrer le risque d'une interruption du traitement.

 

 

Conclusion

 

Déroulement de la séance

 

Après une présentation et une prise en main du logiciel Édu’modèle somme toute rapide (surtout si ce n’est pas leur première utilisation) les élèves comprennent le codage mis en place ; cela doit beaucoup à la simplicité de l’interface (je définis mes objets ; je crée des interactions entre eux).

 

Il est bien sûr possible de laisser coder le modèle sur la base de la simplification et du paramétrage réfléchis et discuté auparavant et / ou de les faire coder simplement certains aspects (création et division bactérienne, résistance nécessitant un multicontact avec l’antibiotique pour tuer des bactéries à CMI fort).

 

Ils investissent très volontairement la problématique car ici elle amène à la recherche de la ou des bonnes posologies antibiotiques (émulation). Point n’est besoin de leur indiquer de démarche, ils testent rapidement de multiples scenarios en dynamique (en faisant pause) ou en changeant les paramètres initiaux.

 

Les élèves restent étonnés par la puissance de la modélisation qui, bien qu’imparfaite, rend compte de dynamiques complexes insoupçonnables et variables ! Ils perçoivent bien le caractère non écrit à l’avance du modèle ici traduit en simulation et, sur le fonds, la caractérisation de la sélection rapide des variants résistants et bien sûr l’utilité de ne pas employer d’antibiotique ou de le faire selon des protocoles très précis à respecter, pour soi, et pour les autres !

 

Critique du modèle

 

Le modèle est largement simpliste et ne tient pas compte de très nombreux paramètres : Compartimentation de l’organisme ; variations inter-individuelles de la métabolisation des antibiotiques ; nombre de facteurs intervenant supérieur à ceux envisagés...

 

Mais ce qui reste intéressant c’est que, même simplifié ici, le modèle montre des évolutions bactéries / AB différentes mais concordantes et source d’explicitation du message de santé publique.