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Théâtre forum au collège de Trois-Bassins

Les élèves de la classe de 3ème 3 du collège de Trois-Bassins ont présenté vendredi 31 mai 2019 au Centre Culturel de leur commune un théâtre forum sur le thème de l’addiction aux jeux vidéos. Des classes de primaire et de collège de la commune ont assisté au spectacle, présenté par la comédienne Delixia Perinne.

Il est 10 heures lorsque la présentation du projet débute. Les élèves écoutent intrigués et attentifs la présentatrice leur expliquer ce à quoi ils vont assister ce jour-là.

Pendant une année les élèves de la classe de 3ème 3 du collège de Trois-Bassins ont travaillé avec leur professeure de lettres, Mme Zara Raghib sur le thème de l’addiction aux jeux vidéos, et sur les risques liés à cette addiction.

Après de nombreuses heures de recherche sur le thème, les élèves ont également passé beaucoup de temps à écrire les scènes qui vont être jouées devant les spectateurs.

Le but du projet était de s'initier à la controverse. Les élèves devaient aborder les différents points de vue, souvent polémiques, possibles sur un même sujet. Les approches historiques, économiques, scientifiques, littéraires, médicales, sociétales ont donc fait l’objet de recherches, d’analyses et de compréhension afin de confronter les regards et nourrir la réflexion. Ce travail permet surtout d’alimenter  la technique du contre-argument pour la partie forum. Cette dernière nécessite des compétences et des capacités d’improvisation importantes. L’élève acteur doit accueillir un spectateur-acteur, l’écouter et le pousser dans ses retranchements pour qu’il puisse assumer son point de vue et son intention de jeu. C’est donc par un travail exigeant en amont que l’écriture dramatique est possible et productrice de jeu scénique par et pour les élèves.

Pour apprendre à jouer leur texte et à se tenir sur scène, la classe de 3ème 3 a été accompagnée tout au long de l’année par la comédienne Delixia Perinne et par Lola Bonnecarrère qui a participé au projet grâce au PEAC Théâtre “Au bord du possible” avec la compagnie LépokLépik.

Delixia explique au public d’élèves que la restitution des scènes écrites sera jouée sous la forme d’un théâtre forum, à savoir que le public pourra à tout moment choisir de monter sur scène pour interagir avec les acteurs.

Ces derniers vont tout d’abord  jouer une situation et dénoncer les dérives et problématiques liées à la scène jouée . Dans la salle un spectateur a le droit de dire stop au moment où il estime pouvoir mieux réagir que l’acteur qui joue l’opprimé et solutionner le problème posé.

Au fur et à mesure que les élèves s’élancent sur scène et tentent de dénouer chaque situation, Delixia explicite chaque point qui mérite d'être débattu, mis en lumière. Elle décortique chaque solution proposée par les enfants.

Est-il acceptable de faire du chantage à ses parents pour obtenir de jouer davantage aux jeux vidéos? Est-il possible de mentir pour pouvoir jouer en cachette, alors que mes parents me l’ont interdit? Quelles sont les conséquences possibles d’une addiction aux jeux vidéos? En quoi l’addiction aux jeux vidéos peut-elle engendrer de la violence? En quoi peut-elle être un facteur d’exclusion sociale?

Autant de questions auxquelles les élèves tentent de trouver une solution par eux-mêmes tout en étant guidés par la maîtresse du jeu. Dans la salle, les enfants sont fortement interpellés par les situations jouées devant eux; ils rient aussi beaucoup face aux diverses propositions de leurs camarades qui osent monter sur scène.

Ce projet engagé à un double niveau, tant par les thématiques abordées, que par le parti pris de faire participer activement le public a permis une décomplexion totale puisque la barrière public/acteur est totalement rompue. De fait, cela a créé une énergie singulière et une émulation tant intellectuelle que personnelle.

Soulignons également la performance de ces jeunes collégiens et le véritable travail d’équipe mis à l’oeuvre pour faire réagir le public et l’inviter à se dépasser à son tour en engageant le débat sur un sujet sociétal qui nous concerne tous.

Les élèves partagent leur expérience

Suite à ce projet, de nombreux élèves de la classe ont accepté d’être interviewés et de partager leur expérience.

Ils sont nombreux à souligner la peur du ridicule, la peur de se tromper, la peur d’être jugé qui était très présente en chacun d’eux au début du projet.

“Au début, tout le monde ne se parlait pas dans la classe, mais avec le projet on a appris à connaître les autres mieux.” (Marion)

Dimitri lui n’a pas trop aimé le projet au début car il est très timide. “Il fallait prendre la parole tout le temps, en plus devant la classe. C’était une nouvelle classe, donc on avait encore plus la pression. Quand tout le monde a compris que le théâtre c’était un jeu, et qu’on pouvait rire, alors ça allait mieux.”  On est passé de “ça, c’était nul” (ce que tu as fais sur scène) à “tu as bien joué aujourd’hui. L’ambiance dans la classe s’est bien améliorée. Et aussi dans ma vie de tous les jours, je suis devenu moins timide; maintenant j’ose demander un renseignement à une personne que je ne connais pas.”

“Tous les jeux d’échauffement qu’on faisait, ça nous a appris à beaucoup mieux nous écouter les uns les autres. Moi qui avait peur de parler, maintenant je suis capable de monter sur une scène avec un micro. C’est une victoire pour moi”, nous raconte Anne-Laure.

Michael quant à lui estime avoir acquis des connaissances sur lui-même, sur ce qu’il est capable de faire ou pas. Il a également appris à faire sortir ses émotions pour les mettre au service du jeu sur scène.

Ornella nous confie être passée d’extrêmement timide à moyennement timide. “Maintenant, je suis capable de parler devant un public d’inconnus.”

Sophia qui était également très timide en début d’année le confirme: “Passer devant les gens, en fait c’est rien. Tout le monde peut avoir peur”.

Tous sans exception disent avoir gagné en confiance en eux, en aisance à s’exprimer devant un public inconnu ou pas. Les compétences orales acquises durant le projet leur ont grandement facilité la tâche lors du passage de l’oral du DNB, et pour un autre projet de classe, le concours d’éloquence “Eloquentia”.

Ils ont apprécié de travailler avec des intervenants extérieurs, des professionnels du spectacle, qui leur ont appris des techniques de  gestion du stress comme la respiration, la relaxation, ou encore la cohérence cardiaque, qui les ont aidés à se sentir plus à l’aise à l’oral et dans leurs corps.

“Je suis très timide, et ces techniques m’ont appris à mieux gérer mon stress, à poser ma voix. Avant, j’avais la voix qui tremblait quand je parlais en public”. Lisa

“Au début, c’était difficile de ne pas tourner le dos au public, de se tenir face aux spectateurs”, nous explique Shaïna

“Delixia nous a mis en confiance, et nous avons beaucoup ri pendant tout le projet. Ca aide à déstresser. On s’est beaucoup aidé aussi, lorsqu’on oubliait notre texte.” Coleen

“Maintenant je choisis mieux mes mots en fonction de mon public” nous raconte Yohan. “C’était une véritable chance de pouvoir découvrir le théâtre pendant un an, avec des professionnels en plus.”

“Nous avons de la chance que Mme Raghib choisisse notre classe pour la classe théâtre. Ce projet m’a beaucoup apporté car c’est compliqué de s’exprimer devant les professeurs. Maintenant, nous avons quelque chose de plus par rapport aux autres: plus de facilité, de confiance en soi. Pour passer l’oral du DNB, il suffit de se mettre dans un rôle pour se sentir plus à l’aise.” Lylou-Rose

“J’aimais déjà le théâtre. Je n’étais pas timide, mais j’avais du mal à garder mon calme, à ne pas bouger. Ce projet à l’année m’a permis de mieux gérer mon stress et d’expérimenter une autre forme de théâtre, le théâtre forum. J’ai trouvé ça très sympa d’interagir avec le public. L’an prochain je compte intégrer l’option théâtre au lycée”, conclut Lorenza.

Ce que les élèves ont découvert en faisant de nombreuses recherches sur le thème de l’addiction aux jeux vidéo les a également influencés dans leurs vies quotidiennes.

Dorian nous explique qu’il pouvait jouer aux jeux vidéo plusieurs heures par jour, dès le réveil, et finissait par se renfermer sur lui-même. Il ne sortait plus, n’avait plus envie d’aller voir ses amis, au point que ses parents lui ont confisqué sa console. Au début, il a essayé de négocier avec ces derniers, car il avait du mal à s’en passer.

“Notre projet m’a aidé à prendre conscience qu’en continuant à jouer trop, je pouvais même devenir agressif et ça je ne veux pas. Depuis que je joue moins, j’ai de moins en moins envie de jouer et je sors davantage. Je vois “réellement” mes amis, et pas en leur parlant dans un micro.”

Témoignage de Mme Zara Raghib, enseignante de lettres modernes au collège de Trois-Bassins

“Enseignante de Lettres au collège de Trois Bassins, j’ai toujours été investie dans des projets culturels et notamment dans le domaine du théâtre et du cinéma.

Cette année, lorsque la principale adjointe m’a sollicitée pour intervenir durant la semaine de la Prévention sur le thème des addictions aux jeux vidéos, source du décrochage scolaire pour plusieurs élèves dans notre collège, j’ai répondu présente.

La forme du théâtre-forum nous a semblé la plus adaptée car nous souhaitions que le public réagisse et participe aux échanges. C’est alors avec le concours de Délixia Perrine, spécialiste du théâtre-forum à La Réunion que le projet a débuté.

La classe sélectionnée pour le projet était une classe hétérogène, avec des élèves n’ayant jamais fait de théâtre. Le travail a eu lieu durant les heures de français. Le programme de français a nourri notre réflexion et le travail théâtral a nourri la pratique de l’oral nécessaire aux deux autres projets menés en parallèle: le concours d’éloquence et la préparation au DNB.

Puis, nous avons obtenu le PEAC “Au Bord du possible” avec Lola Bonnecarrère. 14h de stage nous ont aidés à développer notre pratique théâtrale, aiguiser notre regard de spectateurs. C’est donc beaucoup d’énergie déployée, des heures de lecture, d’écriture, de brouillonnage, de discussions, d’échanges, de controverse, de doutes, que nous avons partagés.

Le résultat est au delà des attentes. Nos élèves ont pris de l’assurance, de la consistance, de l’aisance orale et intellectuelle, se sont passionnés pour des thèmes et des pratiques parfois inconnues.

“Avoir pour métier sa passion” comme le disait Stendhal me permet de poursuivre cet engagement auprès des élèves et de continuer à développer la culture comme vecteur d’apprentissage.”

“Ils ont mûri et se sont épanouis grâce à cet outil formidable du théâtre.”  

Zara Raghib, professeure de lettre au collège de Trois-Bassins

Comment les élèves ont-ils évolué au fil du projet?

Trois points sont assez intéressants à souligner:

- La prise de parole pour tous, du plus timide au plus charismatique. Je les ai vus grandir et s’épaissir au cours de l’année. Tous sont capables d’échanger avec autrui et de proposer un point de vue.

 

- Un esprit d’équipe et une collaboration constante: un groupe classe basé sur l’entraide et la collaboration, le partage. C’est cette expérience humaine qui marquera notre année. Il est à noter que nous avons eu peu voire pas d’absentéisme au cours de ce projet et des résultats scolaires en nette hausse.

 

- Un engouement pour l’art oratoire: 4 élèves de la classe étaient finalistes du concours Eloquentia, dont 1 classée deuxième.  5 élèves ont décidé d’orienter leurs choix au lycée vers le domaine culturel et notamment le Théâtre.